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29 novembre 2009 7 29 /11 /novembre /2009 14:47


 

René Clément fut un réalisateur singulier dans le paysage cinématographique français. Né en 1913, il commença à travailler avec Jacques Tati, avant-guerre, mais c'est avec La Bataille du Rail, en 1946, oeuvre documentaire qui relatait l'action des cheminots dans la Résistance, primé à Cannes avec le Prix du Jury et le Prix du meilleur réalisateur (La Palme d'or ne fut attribué qu'à partir de 1955), qu'il obtint la consécration. Le cinéaste est donc issu d'une génération d'après-guerre et commence sa carrière cinématographique par un genre peu prisé à l'époque, influencé par le néo-réalisme italien, le film-documentaire.





Il passera, la même année, du coq à l'âne, puisqu'il sera aussi l'assistant-réalisateur de Cocteau, sur la Belle et la Bête, film fantastico-onirique aux antipodes du style réaliste qui illustrera l'éclectisme de René Clément, comme le démontrera sa carrière.


Le conflit mondial marquera le cinéaste, puisque outre La bataille du Rail, Le Père tranquille, en 1946, Les Maudits, en 1947, Jeux Interdits en 1952, Le jour et l'heure en 1963 et bien sûr, Paris brûle-t-il ?, auront pour cadre la seconde guerre mondiale, aiguillon historique qui marquera  fortement sa filmographie.

Permanence de la guerre, fascination pour le polar américain. Clément tranche avec la thématique narrative de son époque en adaptant ses scénarios d'auteurs américains. Patricia Highstmith pour Plein Soleil, Charles Williams pour Les félins ou encore David Goodis pour La course du lièvre à travers les champs, avec le regretté Robert Ryan.



Comme Melville, René Clément puise sa source d'inspiration outre-atlantique.
Les félins reste d'abord les retrouvailles entre Clément et Delon,



duo gagnant de Plein Soleil, 4 ans auparavant, film qui avait fait du second une star. Depuis, l'acteur français est monté au firmament du 7eme art en tournant avec Visconti (Rocco et Le guépard), Antonioni (L'Eclipse) ou le très réussi Mélodie en sous-sol d'Henri Verneuil, avec Jean Gabin. Delon star européenne, aspire à une carrière américaine, d'où son intérêt pour le projet clémentien, puisqu'il retrouvera Jane Fonda, jeune première du cinéma américain,



 et Lola Albright, séduisante quadragénaire très présente sur la télévision outre-atlantique.



Clément n'oublie pas de faire appel à Lalo Schifrin, grand compositeur de musique de film et à Henri Decaë, grand directeur de la photographie français qui travaillera souvent avec Melville, notamment sur Le Samouraï. Comme pour Melville, Clément prend un soin particulier, presque maniaque, sur la qualité de la photo et les décors, qui font partie intégrante de la narration proprement dite, ce qui tranchera avec les pratiques de la Nouvelle Vague.

Les félins c'est l'histoire de Marc, gigolo français qui a eu le tort de séduire la femme d'un américain fortuné, qui envoie quelques tueurs régler le compte du bellâtre. Quelques mandales nord-américaines,



le supplice de la baignoire,



et un petit voyage vers un coin isolé dans une belle américaine,



et le jeune premier arrive à fuir les tueurs en costard, lâchant ses poursuivants dans l'arrière-pays niçois, sauvé par un prêtre,



puis par une richissime américaine, Barbara, qui prend le beau gosse à son service, comme chauffeur.



Séduisante quadragénaire, Barbara vit avec sa nièce, Melinda //Jane Fonda dans une superbe villa sur la Riviera française.
Très vite, et un peu comme dans Plein Soleil, un huis clos à trois va aviver les tensions, les deux femmes se retrouvant concurrentes pour séduire le jeune premier.



Sûr de son pouvoir de séduction, Marc, chauffeur dragueur, va jouer avec les deux femmes,



comme un joueur de poker !



Dans cette compétition impitoyable, entre deux femmes, l'une mûre, l'autre, jeunette,



c'est la plus expérimentée qui va remporter le morceau. Une petit verre de whisky,




un regard suave, les yeux dans les yeux,



et Barbara qui prend l'initiative et brusque les choses,



emballant avec une facilité déconcertante le jeune coq !



Mais Marc n'a pas tout compris au film et la vengeance est un plat qui se mange froid !



L'intérêt des Félins réside, évidemment, dans ce huis-clos psychologique, avec pour cadre une magnifique résidence, décorée avec soin, où des tableaux contemporains répondent à des masques primitifs, qui dénotent l'intérêt de Clément pour les arts premiers et la peinture moderne. Par certains côtés, on peut ressentir une référence hitchcockienne, dans ce thriller freudien et sensuel, même si le cinéaste français se distingue du maître américano-britannique par une image plus sophistiquée et un style moins démonstratif. L'élégance de la réalisation, avec des plans millimétrés, souligne la rare maîtrise du réalisateur français, rehaussée par le superbe noir et blanc d'Henri Decaë et le jazz inspiré de Lalo ! Pour imdb, les Félins est certainement le meilleur thriller de Clément, surpassant même le solaire Plein Soleil, et je ne suis pas loin de penser la même chose.



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commentaires

T
<br /> Quant aux thématiques psychologisante ou freudiennes, comme le voyeurisme, la nécrophilie, une mysoginie latente saupoudrée d'érotisme glacée, ça ne signifie pas, nécessairement, une modernité<br /> quelconque ! Tout ça a été abordé dans les années 30. Par contre, ce qui a plu à Truffaut, ce sont les effets de caméra, sortent de punctum qui structurent le film, comme le verre de lait dans<br /> Soupçon, la partition finale dans L'homme qui en savait trop, la fabuleuse scène de la douche dans Psycho ou la scène de l'avion dans La mort aux trousses, qui sont des scènes cultes que l'on<br /> identifie tout de suite, et qui ont consacré, Hitchcock, comme auteur ! D'ailleurs, concernant Psycho, je mettrais ce film totalement à part dans l'oeuvre d'Hitchcock, car il tranche avec les<br /> histoires un peu gentillettes entre gentleman, comme dans Notorious, où les espions allemands sont charmants, avec des histoires d'amour un peu neuneu, comme avec le sympathique James Stewart ...<br /> Psycho tranche par sa violence qui ne fut jamais la marque d'Hitchcock, excepté dans Les Oiseaux, un film postérieur, et la dimension maléfique de Norman Bates, qui se dévoile dans le sourire<br /> sardonique final ... Psycho est donc un long-métrage atypique dans son oeuvre, qui ne colle pas avec ses autres films et qui s'approche plus du giallo italien que du brodage psychologisant dont<br /> Hitchcock nous avait habitué !<br /> <br /> <br />
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T
<br /> Concernant Hitchcock, je trouve son oeuvre en noir et blanc supérieur à son oeuvre en couleurs, excepté la Mort aux trousses. Je trouve que ses films comme L'homme qui en savait trop ou Vertigo (vu<br /> deux fois au cinéma) ont très mal vieilli, notamment le premier, quasi inregardable aujourd'hui. Par contre, lorsqu'il revient au Noir et Blanc, je pense à Psychose, il fait certainement son<br /> meilleur film ! Quant aux films des années 60 et 70, à part quelques fulgurances esthétiques dans Marnie, ça n'a guère d'intérêts, surtout à une époque où le film noir "réaliste" se déployait,<br /> notamment dans des paysages urbains. A noter qu'Hitchcock a rarement film la ville, dans ses films ...normal, puisqu'il tournait presque exclusivement en studio ...la thématique urbaine est<br /> quasiment absente de son oeuvre, alors qu'elle est fortement présente chez Fuller, Siodmak, Dassin.<br /> <br /> <br />
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T
<br /> Je trouve curieux que les thématiques de la NV, dans les années 60, excepté un peu Godard, aient évacué la dimension socio-politique qui traversait la société française, et donc il n'est guère<br /> étonnant, qu'un Truffaut, narcisse faisant du cinéma, ait admiré un autre narcisse, Hitchcock, dont l'oeuvre fut totalement apolitique, à part quelques films liés à la guerre, je pense à Sabotage,<br /> et à la guerre froide, le très mauvais Rideau déchiré. En fait les deux cinéastes ont plaqué leur névrose personnelle dans leur oeuvre, d'où la fascination de l'un pour l'autre.Le cinéma de<br /> Truffaut est intéressant, mais ce "moi je" m'irrite un peu ...Quant à Chabrol, à part quelques films comme Le Boucher ou Que la bête meure, son cinéma est paresseux et bâclé, d'ailleurs Romy<br /> Schneider, la passionnée, qui a tourné un film avec lui, disait que le Claude passait sa journée à jouer aux échecs et qu'il laissait ses assistants faire le film !<br /> <br /> <br />
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K
<br /> Oui mais le cinéma c'est d'abord la magie du grand écran. Lorsque j'ai revu Notorious, j'étais fasciné par la beauté des deux interprètes, cette admirable façon de les filmer, cette érotisme qui ne<br /> se dévoile jamais, cette lumière qui magnifie en persmanence des acteurs pourtant archivu comme Cary Grant et Ingrid Bergman. N'oubliez pas peut-être une autre cause de votre désenchantement, le<br /> fait que l'on ait vu et revu ces films ce qui, pour le moins, met fin pour l'essentiel au suspense. Pourtant, et c'est là où je diffère de vous, la magie opère chaque fois: récemment Marnie dont je<br /> connaissais bien l'intrigue m'a littéralement époustouflé dans ses sous-entendus, ces regards, des scènss aussi simples que Marnie de brune redevenant blonde avec toute l'ambiguiïté qui sied à ce<br /> genre de situation chez Hitchcock. Vertigo que j'ai dû voir 10 fois me surprend toujours par ces effets vertigineux de la coiffure -blonde- de Kim Novak aux moments de transe de Scottie. Les<br /> oiseaux plus récemment encore m'a impressionné avec ses scènes d'hystérie dans le bar-restaurant, cette lumière crépusculaire qui baigne le film, et le film ne s'est en rien démodé alors que tant<br /> de films catastrophe ne sont plus regardables aujourd'hui! Il y a toujours ce petit plus chez Hitchcock qui transparaît dans l'intrigue: l'homosexualité dans l'Inconnu du Nord-Express ou la Corde,<br /> le viol dans les Oiseaux (scène finale dans la chambre ou Tippy Heden subit l'asaut des oiseaux) que l'on retrouve plus explicitement dans Marnie (avec la pédophilie), l'alcoolisme dans Notorious,<br /> l'adultère dans Psychose, la nymphonanie (la psy de la maison du docteur Edwardes, nymphomane refoulé) la mère castratrice dans la plupart des films (depuis Rebecca), la nécrophilie, le voyeurisme<br /> et tout tourne évidemment autour de la sexualité, de l'enfance, le gros homme ayant comme chacun sait quelques névroises mal soignés (propre sans doute à l'éducation reçue dans la bonne société<br /> post-victorienne). Hitchcock à tout simplement à travers des intrigues très classiques, posés les jalons de nos questionnements qui continuent de nous hanter. J'aime beaucoup Fuller, Siodmack,<br /> Hawks, Curtiz, Dassin, Preminger, qui ont fait d'excellents films noirs. Mais ce sont des cinéastes plus carrés, avec une intrigue et des ressorts plus directs (le sexe est omniprésent dans leur<br /> oeuvre mais jamais tous ces avatars considérés comme déviants et que je cite plus haut). Ils mettent en avant la violence, la corruption, la femme fatale (elle existe chez Hitchcock mais c'est une<br /> femme-enfant comme Marnie), la justice dévoyée, etc... Mais on peine à rechercher les lubies et les démons qui nous assaillent. S'ils apparaissent, c'est à travers le jeu d'un acteur aussi<br /> extraverti ou délirant qie Richard Widmark, rarement par la volonté brute du cinéaste. On reste dans un monde d'homme! Chez Hitchcock, les frontières ne sont jamais aussi nettes, entre l'enfance,<br /> l'homme et la femme. Je laisse à part Wells ... parce qu'il est à part... Et Fritz Lang dont je viens de revoir une grande partie de la carrière américaine et qui apparaît aussi comme un cinéaste<br /> très complexe, que je peine encore à cerner mais qui laisse une oeuvre admirable. Pour ce qui est des cinéastes filmant leur vie, du moment qu'ils le font bien. Mais Truffaut le fait avec légèreté<br /> dans la Nuit Américaine, un film qui est d'abord une déclaration d'amour au cinéma. J'aime le Truffaut de l'Enfant Sauvage, le Truffaut désespéré de la Chambre Verte, celui sombre de La Femme d'à<br /> coté. Dans tous les cas, je le préfére à l'hédoniste Chabrol qui après quelques oeuvres de très grand cru (Que la Bête meure, le Boucher, l'Enfer, la Cérémonie) me donne l'impression de ne plus<br /> rien avoir à nous dire.Et j'ai découvert sur le tard Eric Rohmer et ses films contant les jolies aventures d'une belle jeunesse en fleur.... Je suis actuellement sous le charme de ce cinéaste (le<br /> merveilleux Conte d'Automne vu récemment par exemple). Je trouve que ses auteurs de la Nouvelle Vague dans l'ensemble ont su donner un souffle nouveau à un cinéma français qui s'était un peu égaré<br /> dans les années cinquante. Qu'ils aient contribué à défendre Hitchcock peut peut-être se comprendre au vu de ce que sous-tend cette oeuvre, porteur de névroses que la Nouvelle Vague allait souvent<br /> illustrer. Mais ce n'est qu'une hypothèse. Bon film.<br /> <br /> <br />
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T
<br /> En fait mon cheminement est venu avec la démocratisation du DVD. Je gardais un très bon souvenir des Hitchcock de ma jeunesse, qui passaient à la TV et d'un cycle au cinéma de minuit. J'ai donc<br /> acheté beaucoup de films de Hitch, pour me les revoir, et là ...malaise ...je ne retrouvais plus la magie de mes souvenirs. Le tournage en studio me gênait, les acteurs me paraissaient bien trop<br /> figés, et le manque de réalisme m'a irrité ...Je me suis demandé pourquoi Truffaut avait été fasciné par le réalisateur Hitchcock ...surtout qu'à l'époque, d'autres cinéastes avaient une filmo bien<br /> plus personnelles, comme Dassin, Welles ou Siodmak. Cette fascination pour ce cinéma hitchcockien est d'autant plus curieuse, qu'à une période, les années 50-60, où les arts se font l'écho des<br /> boulversements sociétaux, le cinéma hitchcockien reste totalement imperméable aux mutations socio-politiques, comme en lévitation et que même, formellement, il a tendance à tourner en rond, loin de<br /> la rupture narrative de la NV ou du nouveau cinéma américain, beaucoup plus en prise avec une certaine réalité voire du cinéma italien, qui réinvente des codes narratifs et esthétiques suprenants.<br /> Pressentant la responsabilité de la NV dans cette hitchcockophilie, c'est là, qu'en feuilletant le livre des 50 ans du Masque et la Plume, je lis, noir sur blanc, que Jean-Louis Bory exprimait ce<br /> que je ressentais ...il y avait un avant NV, où Hitchcock, comme Hawks, étaient pris pour des bons films maker et un après NV, dans lequel le réalisateur fut érigé en auteur ...Or, le miracle du<br /> DVD m'a aussi fait découvrir les fulgurances esthétiques d'un James Whale ou d'un Schoendask, dans ses chasses du Comte Zaroff, l'univers torride d'un Siodmak, avec la fabuleuse rumba d'Yvonne dans<br /> Criss Cross, film de 1947, qui renvoie tous les Hitch à la casse, sans compter les rictus diaboliques de Tommy Udo, dans The Kiss of Death, ou le réalisme d'un Fuller ...et la beauté formelle d'une<br /> Soif du Mal stupéfiante...tous des contemporains d'Hitchcock et tellement plus modernes que le cinéaste anglo-américain ...C'est tout simplement en regardant ces films en dvd que j'ai trouvé<br /> désuets les Hitchcock, mais la route fut longue, car j'étais évidemment farci par les discours dythirambiques de la NV ... Je me suis aperçu, aussi, que Truffaut avait passé son temps à filmer sa<br /> vie ...l'ultime acte narcissique fut de se filmer en train de filmer, dans la nuit américaine ...Truffaut, dont l'oeuvre, intéressante, se résumait à Narcisse en train de se mirer dans cet homme<br /> qui aimait les femmes ...Truffaut qui a certainement été fasciné par ces blondes actrices que vénéraient Hitch et ce petit homme rondouillard qui avait la coquetterie d'apparaître au début de tous<br /> ses films, un peu comme François qui faisait des films à son image ...Mais bon, je dérive un peu trop ...Sachez que j'aime bien la confontation des idées respectives et que j'aime bien Hitchcock<br /> malgré tout, mais je ne place pas le cinéaste au même niveau que d'autres.<br /> <br /> <br />
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