Avant de devenir le réalisateur attitré d'Alain Delon dont la magnifique Piscine, puis de Belmondo, Jacques Deray avait commencé dans le film d'espionnage très "Guerre froide". Après du Rififi à Tokyo, avec Karl-Heinz Böhm, le François-Joseph de Sissi, voici qu'en 1966, il nous narre une histoire d'agent double à Vienne. L'intérêt de cet opus, tient surtout à son casting qui réunit quelques unes des meilleures ganaches du cinéma français de l'époque. Lino Ventura, très sobre,
vient dans la capitale autrichienne pour tester un de ses agents, joué par Jean Bouise, comédien atypique par son physique,que Besson consacrera une dernière fois dans son Grand Bleu.
Margery, dit "le boiteux", mène donc une curieuse sarabande, que Lino essaie de déchiffrer. Mystérieux, même au téléphone,
le boiteux se montre visqueux comme une anguille !
Un avocat d'affaires, joué par Jean Servais, celui du Riffifi chez des hommes, de Dassin, dont Deray fut l'assistant,
joue aussi un jeu bien curieux et est en contact avec un certain Chalieff, interprété par Wolfgang Preiss, l'allemand de service, joueur d'échecs à ses heures perdues,
et qui exerce une certaine pression sur Bouise le boîteux,
en détenant sa régulière !
Vous suivez ? L'avocat Servais va alors tromper ce brave Lino, en simulant une mort,
Ventura y perd son latin ...Cette canne appartient-elle à Margery,
ou à l'avocat Weigelt ?
Tourneboulé par tout ce charivari, Lino prend un coup de sang et va fouiner du côté de la masure de l'avocat soi-disant occis, où il maîtrise un majordome filiforme.
Il découvre alors que Servais/Weigelt est toujours bien vivant,
avouant qu'il a essayé de le tromper, sur ordre de Chalieff ...
Le regard mauvais de Weigelt transperce notre bon Lino !
L'affaire se finit dans un aéroport, où un douanier, joué par Reinhard Kolldehoff, au physique de catcheur, sosie d'Adolfo Celi,
toise notre agent secret, qui, se faisant passer pour Margery, se fait remettre une valise de talbins par un chinois ...
Puis après quelques bastos envoyées pour annihiler le "péril jaune", Lino s'en va, avec Marilu Tolo, vers un horizon incertain ...
Vous aurez compris que si ce film est resté anonyme, c'est qu'il ne brille pas par son excellence. Avec un tempo pianissimo, qui ressemble à du Melville, sans le talent du dernier, on a tendance à piquer du nez en écoutant les dialogues interminables qui ronronnent doucement ...Cet opus d'espionnage bavard, anti-James Bond par excellence et très John Le Carré, pêche par son manque d'énergie et son scénario alambiqué, pourtant écrit par José Giovanni !
Mais il reste une pléiade d'excellents acteurs, qu'on a plaisir à retrouver, que Deray, comme le Titien, portraitisent avec talent et la BO jazzy de Michel Magne !