Dans le sillage des révoltes étudiantes de la fin des années 60, 4 après Blow Up, Michelangelo Antonioni nous revenait avec Zabriskie Point, film narrant les aventures singulières de deux jeunes idéalistes dans le désert de la Vallée de la Mort. Le long-métrage commence par une réunion d'étudiants,qui discutent d'une position à prendre par rapport au blocage de leur université,
discussion passionnée sur les modalités de la révolte,
entre des étudiants noirs radicaux, qui prônent une résistance radicale,
et des blancs plus modérés,
mais tout aussi décidés.
Lénine, Fidel Castro sont évoqués dans l'aéropage estudiantin, pour évoquer la nécessité d'une organisation pour arriver à ses fins. Mark, un franc-tireur anarchisant,soutient une position radicale,
décidé à passer à l'action, lassé de ce verbiage idéologique. Au cours de l'intervention de la police, encerclant l'université, il va tirer et blesser un policier. Prenant la fuite, il va alors déambuler dans un univers urbain, saturé d'images publicitaires,
qui clôt l'horizon du citoyen américain,
dans un tourbillon de messages consuméristes,
nouvelle esthétique aux couleurs criardes qui remplit l'univers citadin,
et dissout le message révolutionnaire dans la frénésie de consommation. Mark, épuisé par cet univers fictif qu'incarne des Lee Allen, joué par Rod Taylor,
commercial de haut vol qui vent du rêve américain, pendu à son téléphone,
vole un avion,
pour aller se perdre dans le désert, fuyant cette consumériste agitation. Au même moment, Diana, secrétaire d'Allen, traverse la vallée de la mort, pour rejoindre son boss.
Un petit arrêt au Rumpus room Market,
et la belle étudiante s'en va dévaler les miles désertiques,
repérée par le petit avion de Mark, le Lilly 7.
A Zabriskie Point,
zone géologique singulière, les deux jeunes gens vont se téléscoper,
et vont vivre, le temps d'une journée, une étreinte passionnée.
Mark repartira vers Los Angeles,
vers son destin funeste puisque tué par la Police,
abandonnant Daria,
à ses visions explosives et rougeoyantes.
Antonioni continue à traverser notre société saturée de messages, artistiques comme dans Blow Up, publicitaires ici. Il nous livre une vision désenchantée de notre société de consommation et se montre pessimiste quant à ces chances de transformation. Les étudiants rebelles passent leur temps à gloser, caquetages théoriques vains, neutralisés par la festif univers de la consommation et par l'action policière. Mark, révolutionnaire solitaire, anarchiste rêveur,
se perd aussi dans des actions singulières, mais inutiles, car coupées des masses. Dans Zabriskie, les masses sont absentes, fugitivement aperçues dans un pick-up bleu,
ou dans un bar,
où quelques vétérans noient leur mélancolie dans un verre de bière. Le monde se divise alors entre des commerciaux cupides, vendant du rêve américain et des étudiants qui s'opposent à ce monde fictif, dont l'ordre est assuré par une police omniprésente. La fuite dans le désert reste alors la seule solution pour fuir cet univers de consommation, ce sirupeux enfer qui neutralise les consciences dans une sarabande de fausses magnificences ! Mais le périple quasi-biblique, vers Zabrikie Point, qui s'épuisera dans la volupté du corps de Daria, ne sauvera pas Mark.
Le couple Mark Frechette & Daria Halprin,
sera comme le vent du désert, un espoir de liberté qui s'épuisera dans les désertiques immensités.
Vision désespérée de l'humanité et de notre société qui se cristallisera avec la mort de Mark Frechette, en 1975, dans sa prison.