Un aparté avant de commencer la présentaion du film de Damiani. Imdb désigne le film comme "El Chuncho, quien sabe ?", alors que la versoin que j'aie dénomme le film; "El Chucho, quien sabe ?", sans "n". L'appelation "El Chuncho" a été reprise par le monde francophone, mais il me semble qu'Imdb fait une erreur, car, en espagnol, "El Chucho" signifie "le cabot", alors que l'expression "El Chuncho" ne veut rien dire !
Passés ses préliminaires sémantiques, le film de Damiano Damiani nous plonge dans la Révolution mexicaine et se veut, sous des dehors légers, une réflexion sur la figure du "révolutionnaire". Thématique à la mode, dans les années 60-70, dans le cinéma italien et plus particulièrement dans le western spaghetti, avec des films comme Le dernier face à face de Sergio Sollima (1967), Tepepa de Giulio Petroni (1969) ou le cultissime Il était une fois la Révolution, de Sergio Leone, en 1971.
Le cinéma italien de l'époque, très politisé, s'appuyait sur des scénaristes de gauche, comme Franco Solinas, qui travailla sur le très controversé film de Pontecorvo, La bataille d'Alger, longtemps interdit en France, ou l'Assassinat de Trotsky et qui écrivit le scénario d'El Chucho.
Gian Maria Volonte, dit El Chucho, sort juste de ses deux opus léoniens, Pour une poignée de dollars et Pour quelques dollars de plus, où il jouait un chef de bande mexicain, ténébreux et violent, et reprend,ici, un rôle similaire, comme chef d'une bande de révolutionnaires mexicains.
Leader charismatique, El Chucho mène sa troupe avec bonhommie et violence, pour récupérer des armes pour le général Elias, un des leaders de la révolution mexicaine. La scène initiale suprend par sa violence tranquille, puisque le militaire porté en croix, mis sur la voie ferrée pour arrêter un train gouvernemental,
sera écrasé par la locomotive,
pour fuir la bande d'El Chucho !
Peine perdue, puisque les révolutionnaires arrêteront le train, massacreront les militaires gouvernementaux et s'empareront des armes. Mais dans ce train, Gian Maria Volonte va tomber sur un curieux gringo,
habillé en costard-cravate, un blondinet qui semble égaré dans ces dangereuses contrées mexicaines, personnage incongru dans ce paysage désertique ! Le gringo, joué par Lou Castel, dit être recherché en Amérique du Nord et propose au mexicain de se joindre à sa bande. El Chucho ne refuse pas la proposition, puisqu'un bon tireur ne se refuse pas !
Mr Tate, surnommé "nino", se joint donc à la bande, composé du frère du chef, un moine illuminé, joué par Klaus Kinski,
un couple mené par la volcanique Adelita,
et quelques autres sombreros !
Tout le film va tourner autour des motivations mystérieuses de Nino, "golden boy" gominé perdu dans cette horde de va-nus-pieds !
Le yankee dans son habit de banquier, froid comme la pierre, silencieux et imperturbable, tranche avec la personnalité volcanique de Chucho, révolutionnaire-bandit au grand coeur, qui ne se prive pas de piller, massacrer et violer,
incarnant l'ambiguité du révolutionnaire-paysan, visant des objectifs humanistes en utilisant des moyens violents !
Car Chucho est un homme du peuple, élevé dans l'aride pampa mexicaine brûlé par le soleil, issu de ce petit peuple de "peones" exploité par les grands propriétaires terriens !
Malgré des coups de main audacieux, faits par la bande,
attaquant les forces gouvernementales,
avec une "pasionaria" qui donne le coup de feu,
et un Chucho hystérique dans l'action,
l'attitude énigmatique de "Nino" irrite le mexicain ...
et provoque des tensions dans la bande.
Le nord-américain est bien trop différent de ces "hombres" et évite même le viol d'une bourgeoise ...
malgré les éclairs lancés par Adelita !
Chuncho se fait de plus en plus méfiant lorsqu'il découvre une balle en or, dans le sac du yankee,
et ne croit pas un seul instant les explications de son curieux compagnon ...
La bande se délite, les morts s'accumulent,
sous le regard de la belle Martine Beswick. Mais Chucho arrive à livrer les armes au général Ellias,
qui l'accuse d'avoir trahi la révolution et le condamne à mort,
peine que le révolutionnaire accepte sans broncher. Mais c'est là que la "balle en or frappa le général" (A bullet for a general sera d'ailleurs le titre en anglais !)
et que Chucho sut enfin les motivations de Nino ...
Tueur à sang froid agissant par cupidité, payé par le gouvernement pour occire un des chefs de la Révolution ...Le cynisme de Mr Tate, gentleman killer, dont la seule morale se résume à l'argent,
va alors s'opposer à l'idéalisme désintéressé d'un Chuncho, qui ne succombera qu'un temps aux ors du luxe et de l'argent,
fasciné un instant par cette vie de jouissance oisive, mais qui, à la fin, ne pourra pas trahir ses idéaux de justice et d'égalité qui ont guidé sa vie, délaissant la perspective d'une vie facile pour retrouver la révolution, et occire, en définitive, le calme et cynique "Nino" ...qui ne comprend pas l'acte fou de Chucho ...que de refuser tout cet argent au profit d'une cause incertaine !
en hurlant cette incise à la face du monde:
"N'achetez pas du pain, mais de la dynamite !"
et s'enfuir vers un avenir incertain mais peut-être meilleur !
La morale est donc sauve, et l'idéalisme du révolutionnaire, un temps mis à mal par l'argent du nord-américain, ne se laissera pas soudoyer par la perspective d'une vie de cocagne !
Le film de Damiani est donc structuré avec l'opposition Chucho//Nino, jusqu'à la caricature ! L'un paysan bourru, l'autre, homme d'affaire sophistiqué. L'un autant révolutionnaire que bandit, l'autre, tueur professionnel aux allures de banquier ... Mais le réalisateur évite de trop tomber dans les clichés ...car malgré cette opposition manichéenne entre deux archétypes, Chuncho, le paysan au grand coeur, peut aussi sombrer dans des excès de violence gratuite, tuant sans remords, alors que Nino peut aussi avoir des accès d'humanité, lorsqu'il empêche la bourgeoise de se faire violer .. Les personnages, comme souvent dans le western spaghetti, sont traversés par des attitudes ambigues, agissant le plus souvent, par cupidité et cynisme, donnant l'image d'un homme profondément pourri, ce qui tranche avec le moralisme du western classique américain. Malgré tout, la morale sera sauvée, puisque Gian-Maria, un temps tenté, refuse de se vendre pour tout l'argent du monde, et retournera à sa passion première: La Révolution !!