Il y a des films qui ont une histoire particulière, mélangeant la grande et la petite histoire, l'actualité à l'expérience personnelle. Ce samedi 11 mars 1978, j'entame ma douzième année, et comme à chacun de mes anniversaires, depuis que j'ai l'âge de raison, mon oncle Dédé et ma tante Odette viennent nous chercher, mon frère et moi, pour nous emmener au cinéma, à Marseille, avant d'aller manger la pizza chez Tino.
Je me rappelle très bien ce samedi là, car, dans l'après-midi, les TV et autres radios avaient annoncé une nouvelle tragiquement extraordinaire ...le décès accidentel de Claude François, star hexagonale, demi-dieu de la variété française !
En ce début d'années 1978, la France a été marquée par le formidable succès du "space opera" de George Lucas, Star Wars, malheureusement plus à l'affiche, ce mois de mars ! Sur la Canebière, le choix reste limité à La coccinelle de Monte-Carlo et à Rencontres du Troisième Type. Du haut de mes 12 ans, j'étais tenté par cette sympathique Coccinelle, mais choisit plutôt de plonger dans ces rencontres mystérieuses.
La thématique OVNI était fort présente, à l'époque, dans le sillage de la série culte, Les Envahisseurs, avec ce pauvre David Vincent qui s'échinait à démasquer des aliens à l'auriculaire turgescent !
Peu après, en 1974, Carl Sagan avait écrit un message envoyé par le radiotélescope d'Arecibo, destiné aux extra-terrestres, sans parler de Raël qui fut enlevé, en haut du Puy aux Vaches, par des gentils aliens, style Brok et Chnok,
et George Lucas avait, en cette année 1977, enflammé la planète Terre, avec sa geste jediesque !
Spielberg inscrit donc son film dans cette culture ufologique fort présente dans l'air du temps et qui se traduira, l'année suivante, par l'émission Temps X, présentée par les exotiques Grishka et Igor Bogdanov qui, aujourd'hui, ont de vrais ganaches d'aliens !
Rencontres, cinématographiquement parlant, se situe entre le cultissime opus lucasien et l'horrifique Alien, qui sortira l'année suivante.
Les trois films sont différents, et entre les aventures de Luke Skywalker et la résistance à la "bête" de Ripley, Spielberg va choisir de traiter le thème spatial en choisissant des anti-héros, Richard Dreyfuss (qui l'avait déjà rencontré sur Jaws) et Melinda Dillon, privilégiant la dimension visuelle et musicale, plus propice à déployer un univers esthétique quasi-onirique.
Le film se structure autour de trois personnages et de deux histoires. D'un côté, les recherches d'un savant français, Claude Lacombe, joué par François Truffaut,
de l'autre, l'itinéraire de deux personnages dans la "real life" !
Comme David Vincent, Roy Neary, modeste électricien,
va faire une rencontre "spatiale", une nuit, alors qu'il s'était perdu sur une route de campagne.
Cette première rencontre, lumineuse et musicale,
mystérieuse et aérienne, glisse le spectateur dans un émerveillement transitoire,
entre hallucination collective et réalité prosaïque, à l'image de l'hébétude de Richard Dreyfuss !
Poursuivant ces mystérieux visiteurs, Roy va se retrouver sur un promontoire dominant une cité de l'Ohio, avec d'autres "émerveillés",
notamment une mère et son enfant,
illuminés par des apparitions quasi-fantômatiques !
De l'Ohio,
au vaste monde, il n'y a qu'un pas ... Car dans le désert mexicain, de mystérieux avions de la seconde guerre mondiale repose en paix,
immaculés, alors que dans le désert de Gobi, en Mongolie,
un cargo repose sur une mer de sable,
géant d'acier désormais impuissant !
C'est de cette confrontation entre l'universel, incarné par Lacombe, et le particulier, qui prend le visage de Roy Neary et de Jilian Guiler, que naît la magie du film.
Curieux extra-terrestres, qui s'épuisent dans des signes lumineux, et communiquent avec des sons, qui attirent le jeune Barry Guiler.
Scène de l'enlèvement, qui, avec le majestueux final, reste le clou du film. De ce ciel sombrement nuageux,
d'où surgissent d'inquiétantes armées célestes,
venues chercher leur juvénile offrande,
dans un ballet d'effets lumineux,
emportant l'enfant télépathe !
Roy et Julian vont alors être hantés par une image subliminale, celle d'une montagne quasi-phallique prête à s'accoupler avec les cieux,
et endroit supposé d'une rencontre du troisième type officialisée, sur une base secrète gouvernementale, style zone 51,
sous le regard ahuri de nos deux anti-héros,
qui mirent un spectacle incroyable !
Dans cette rencontre intergalactique, c'est Claude Lacombe se charge de la communication,
avec ces visiteurs venus de si loin !
Une phalange d'Ovni danse dans le ciel nocturne,
annonçant un navire-amiral qui couvre tout l'horizon,
soucoupe bleutée qui s'ouvre de tout son long,
laissant apparaître, sous le regard médusé de Lacombe et Neary,
de nombreux disparus ! Je laisserai une part de mystère sur la fin, pour ceux qui veulent voir le film, mais je garde encore en mémoire, depuis ce 11 mars 1978, cette singulière mélodie, qui me berce, parfois, lorsque je replonge dans mes souvenirs d'enfant !