En 2007, les frères Cohen, Joël et Ethan, sortent un polar tiré d'un roman de Cormac McCarthy, No country for old men.
Dans la ligné d'un Plan simple, de Sam Raimi, ancien collaborateur des célèbres frères, No country narre la rencontre, improbable, dans le désert, entre un texan chasseur, Llewelyn Moss,
et quelques cadavres de narcos, qui se sont entretués,lors d'un deal qui a mal tourné !
Beaucoup de cocaïne, mais pas d'argrent !
Moss, qui n'a pas perdu son sens de chasseur, suit des traces sanglantes,
d'un des narcos, qui s'est abrité sous deux arbres solitaires,
occis par une balle. Un sac plein de dollars,
repose auprès du narcos mort !
En parallèle, un autre personnage, curieux et inquiétant, Anton Chigurh,
sème la mort sur les routes avec une singulière arme !
Les deux protagonistes vont se croiser un peu plus tard, avec un Moss qui, plein de remords, va, la nuit, refaire un tour sur les lieux du massacre, se faisant prendre en chasse par des potes des narcos,
et un Chigurh, engagé par les narcos, pour récupérer l'argent, aidé par un petit émetteur caché dans le sac bourré de talbins,
un course-poursuite arbitré par un shériff fatigué, joué par Tommy Lee Jones.
Commence alors un "road movie" à travers le sud des USA, entre un Moss qui fuit la probable vengeance des narcos marris, et un Javier Bardem, psychopathe imperturbable, qui traîne sa grande carcasse sur les routes désertes,
effrayant des vieux pompistes,
trucidant, au hasard, des routiers texans,
s'arrêtant dans des motels fatigués,
à la recherche de l'argent perdu !
Les films des frères Cohen narrent souvent des destins d'homme du peuple, confrontés à des situations extraordinaires, infra-histoires qui comme l'Ecole des Annales, s'éloignent des sommets étatiques et des grands hommes pour s'attacher à la vie des gens ordinaires, des flics d'un petit bled du Montana, dans Fargo, à un coiffeur mourant d'ennui, dans The Barber, en passant par Arizona Junior ou The Big Lebowski. Chez les Cohen, il y a toujours ce tissu prosaïque de la triviale et monotone réalité qui se déchire avec l'arrivée de personnages inquiétants, les tueurs tarés de Fargo ou ce serial-killer d'Anton Chigurh, psychopathe au sourire inquiétant,
qui traque sans relâche ce brave texan de Moss, dépassé par l'argent qu'il a trouvé, par hasard, et qui fait oeuvre de ce bon sens, communément partagé, pour échapper à la justice "chigurhienne" !
Mais Bardem, bras armé des narcos, imperturbable dans sa démarche macabre, ne pourra être arrêté par personne, ni par les flics, fatalistes et impuissants,
ni par la mafia, qui engage un autre tueur pour récupérer le magot !
L'histoire des Coen n'est en fait qu'un prétexte pour naviguer sur les routes de la frontière mexicaine, peuplées de petites gens qui fleurent bon l'Amérique profonde,
victimes de la fureur tranquille d'un Chigurh, qui plus que l'argent, se fait le bras armé d'une sorte de justice presque divine, frappant, implacablement, tous ceux qui lui résistent ou se mettent au travers de sa route !
Il restera cet épicier ahuri qui jouera sa vie à pile ou face, sans savoir que la mort était là, mais que son jour n'était pas encore arrivé !
Film quatre fois oscarisés, devant beaucoup à l'interprétation halluciné de Javier Bardem, No country s'inscrit dans la vision désanchantée qu'ont les Coen de cette Amérique consumériste et matérialiste, rongée par la cupidité et l'argent, ce dollar tout puissant qui a dévoyé les valeurs altruistes, rompu les solidarités humaines, projetant les individus dans des destins chaotiques qu'ils ne maîtrisent pas. No country renoue, aussi, avec le genre du "road movie", dans ces paysages d'une immensité infinie, renforçant cette impression d'humanité impuissante, face au "fatum" implacable, qui dirige le monde !